Big book of weirdos (The)

Année(s) : 1995

Auteur(s) : Carl Posey (Scénario), Collectif (Dessins)

Catégorie : Comics – Anthologie, Historique

Genre : Mais vous êtes fous! Oh, oui!

Format : Album de 224 pages

Disponibilité : L’album est disponible sur Amazon.

Note : Les extraits proviennent de la VO et ont été traduits par mes soins.

Après une première anthologie consacrée aux légendes urbaines, la collection Big Book de Paradox Press allait sortir en 1995 un deuxième ouvrage consacré cette fois aux « weirdos » illustres, ou « barjos » si vous préférez. Ceux qui, selon l’expression consacrée, ne sont pas tout seuls dans leur tête. Mais ne dit-on pas que la seule différence entre le génie et la folie, c’est le succès?

D’ailleurs, étaient-ils vraiment fous ou juste différents? Certes, certaines personnes évoquées dans cet ouvrage ont fait des séjours en hôpital psychiatrique, voire y ont fini leurs jours (Maupassant, Van Gogh, Nijinsky), et d’autres avaient clairement un grain (Sarah Winchester consacra sa vie à construire une maison improbable pour apaiser les fantômes des victimes du fusil inventé par son beau-père) …

… ou en tout cas des lubies bizarres (Sarah Bernhardt était fascinée par la mort, le premier ministre canadien William Lyon MacKenzie King croyait tellement au spiritisme qu’il demandait souvent conseil auprès des morts).

Mais beaucoup étaient clairement de simples excentriques, comme Moondog, prolifique compositeur aveugle qui avait longtemps vécu comme un mendiant chantant et récitant des poèmes habillé en viking dans les rues de New York.

Et certains étaient même en avance sur leur temps, comme le britannique Lord Sutch, fondateur du Official Monster Raving Loony Party qui détient le record d’avoir perdu plus de 40 élections parlementaires mais dont certaines idées « farfelues » sont depuis entrées dans la législation.

Comme la précédente, cette anthologie est divisée en plusieurs chapitres. Le premier, Unruly Rulers, est consacré aux dictateurs indéniablement déments comme Caligula, Ivan le Terrible ou l’incontournable Adolf Hitler dont la vie est racontée par le fantôme qui manque dont forcément d’objectivité.

Le deuxième, Onward, Crackpot Soldiers, parle de militaires mais la plupart des cas traités sont discutables : Lawrence d’Arabie ne rentre dans cette catégorie que pour les séquelles psychologiques de sa captivité et le sanguinaire Idi Amin aurait été plus à sa place dans le premier chapitre, tandis que le seul lien avec l’armée de Ferdinand Waldo Demara, alias le Grand Imposteur, est qu’une de ses innombrables identités avait été celle du chirurgien militaire Joseph Cyr: c’est un peu léger, jeune homme. Finalement, le seul qui rentre vraiment dans la catégorie des soldats cinglés est le Lt Hiroo Onoda qui, convaincu que l’annonce de la capitulation du Japon était une ruse, continua de défendre le territoire qu’on lui avait assigné jusqu’en 1974. Et encore, uniquement parce qu’on avait réussi à retrouver un de ses anciens supérieurs pour lui demander de se rendre!

Oddly Godly est quant à lui consacré aux philosophes, évangélistes et autres illuminés: Raspoutine, Aleister Crowley, ou Cyrus R. Teed qui s’était mis en tête de démontrer que si la Terre était effectivement ronde, nous ne vivions pas à sa surface mais à l’intérieur.

Viennent ensuite les écrivains tourmentés de The Written Weird: Poe, Maupassant, Kafka, Dostoyevsky, ou Burroughs dont les dessins de Dave DeVries restituent bien le caractère hallucinatoire des écrits de ce romancier héroïnomane qui avait abattu son épouse en voulant imiter Guillaume Tell. Il faut croire qu’ils n’avaient pas suffisamment répété leur numéro.

Et puisqu’on parle de numéro, le chapitre 5, Curtain-Call Crackpots, est justement consacré au monde du spectacle: acteurs (Sarah Bernhardt, Edward Askew Sothern), dramaturges (Alfred Henri Jarry), danseurs (Isadora Duncan, Vaslav Nijinsky), prestidigitateurs (Harry Houdini, Chung Ling Soo (De son vrai nom William Ellsworth Robinson, ce qui fait tout de suite beaucoup moins oriental)) …

Tandis que le chapitre 6, Arts And Draft, parle des peintres atypiques (Van Gogh, Warhol, Dali), des réalisateurs incompris (Erich Von Stroheim, Ed Wood Jr.), de l’actrice dépressive Clara Bow et d’autres artistes excentriques comme Moondog ou Avlin « Shipwreck » Kelly qui gagnait sa vie en restant assis au sommet d’un mât plusieurs jours d’affilée.

Le chapitre 7, Technically Bent, s’intéresse aux savants et inventeurs comme Thomas Edison qui inventait littéralement tout et n’importe quoi, ou son rival Nikola Tesla qui était aussi terrifié par les boucles d’oreilles qu’obsédé par les multiples de 3, ainsi qu’au neurologue Walter Freeman qui aurait clairement dû consulter un psychiatre avant de se lancer dans la lobotomie à la chaîne pour « guérir » ses patients.

Le chapitre 8, Dough-Nuts (Un jeu de mot sur doughnuts (beignets) qui devient « dingues de pognon »), traite des fous fortunés comme le magnat de la presse William Randolph Hearst qui dépensa une grande partie de sa richesse pour construire son extravagant domaine de San Simeon, Stephen Tennant qui consacra sa vie à l’art de ne rien faire, ou Howard Hughes qui termina la sienne en reclus.

Enfin, le dernier chapitre, Mixed Nuts, sert de fourre-tout avec ses politiciens excentriques (Lord Sutch, William Lyon MacKenzie King ou Norton I, l’empereur autoproclamé des États-Unis), le Marquis de Sade ou les jumelles Gibbons, plus inséparables que des siamoises dans leur relation aussi symbiotique que toxique.

Contrairement à la précédente anthologie qui utilisait le format d’histoires à chute en une ou deux pages, il s’agit ici de biographies qui laissent peu de place à l’improvisation scénaristique et nécessitent plus de pages pour être racontées (entre deux et cinq par récits). On retrouve cependant le principe du « un dessinateur par récit », permettant une alternance de styles dont certains sont parfaitement adaptés aux personnages traités. J’avais déjà mentionné le graphisme mi-réaliste, mi-hallucinatoire de Dave DeVries pour la biographie de Burroughs, mais il y a aussi Russel Braun qui illustre celle de Van Gogh avec un graphisme très proche de celui du peintre.

Ou encore, quel meilleur choix pour mettre en image la vie de Salvador Dali que Frank Quitely dont le style minutieux et réaliste ne fait que renforcer les éléments bizarres et surréalistes?

Cependant, si les personnalités dont les visages sont parfaitement connus du public sont représentées avec une fidélité sans faille, les auteurs ont plus de liberté avec les plus anciens (essayez de trouver une photo de qualité de Caligula ou d’Elagabalus!) et il y a quelques cas où la version dessinée n’a rien à voir avec la personne IRL, comme par exemple, l’évangéliste Aimee Semple McPherson qui ressemble à une sorcière sadique sous les pinceaux de Rebecca Guay :

Alors qu’elle paraissait bien plus avenante en vrai :

Signalons enfin que cet ouvrage est le seul Big Book à avoir été traduit en Français par les Editions USA en 1995 sous le titre Le Grand Livre des Barjos. Il s’agit cependant d’une version expurgée qui ne comporte que 41 biographies sur les 67 de la VO, l’éditeur ayant probablement retiré celles traitant de personnages trop obscurs pour le public français. Mieux vaut donc se rabattre sur la VO dont on peut encore trouver des exemplaires d’occasion à des prix plus qu’abordables.

Délaissant le format des histoires à chute pour celui de la biographie, ce deuxième volume des Big Books nous permet de découvrir la vie de personnes qui représentent différents aspects de la folie : la simple excentricité dont certains artistes ont fait la clé de leur réussite, l’attrait excessif pour la religion ou le mysticisme, la perte progressive de la raison qui aura brisé les vies de personnes talentueuses ou la folie dangereuse des criminels et dictateurs. Mais vous connaissez l’adage: plus on est de fous …

Verdict?

Illustrations extraites de : The Big Book of Weirdos.

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